Cela faisait des années que Eleonore n’avait plus été pour Callista qu’une amie fidèle. Autrefois, elles avaient partagé quelques moments intimes, une période pendant lesquelles elles avaient été amantes, mais cela remontait à bien avant la naissance de ses enfants. La naine s’était attendu à ce que la relation prenne fin, tôt ou tard, et si elle n’avait pu s’empêcher de se sentir triste, elle ne s’était pas laissée blesser. Quand on pouvait prévoir une chose difficile, il était possible d’en atténuer la douleur, d’en éviter la rancœur, de profiter de ce qui reste, même si ce n’est pas ce que l’on voudrait avoir.

Les choses avaient bien changé depuis. Les Travers faisaient partie de ceux pour qui le gouvernement actuel construisait le monde. Considérés supérieurs à la moyenne des sorciers, ils étaient respectés et traités avec déférence. Elle ne savait pas si Calli était vraiment heureuse ou simplement apaisée que sa vie soit rodée comme du papier à musique et qu’elle ait des acquis solides, sur lesquels elle pouvait s’appuyer au quotidien. Mais elle n’aurait jamais cherché à détruire ces fondations qui lui donnaient une stabilité et une tranquillité d’esprit qu’elle avait eu du mal à gagner, quel qu’en soit le coût pour elle-même.

Entretemps, Eleonore n’était pas restée sans rien faire. Elle avait fondé, avec l’une de ses amies de sang pur, une fondation. Une maison pour les Nés-Moldus arrachés à leurs parents, censée leur apprendre où était leur place et à traiter avec respect et déférence ceux qui leur étaient soi-disant supérieurs. Les nombreuses inspections allaient dans ce sens, et s’il n’y avait encore aucunement l’intention d’en faire des serviteurs et rien d’autre, il était néanmoins évident que cela prendrait cette direction, tôt ou tard. Eleonore suivrait le mouvement. Elle était identifiée comme servant le gouvernement actuel, même s’ils étaient nombreux à avoir du mépris pour elle, parce qu’elle s’occupait de ceux dont personne ne voulait.

C’était à l’avenir de ses protégés qu’elle pensait en se faisant annoncer à l’entrée de la maison Travers. Elle avait décidé de rendre visite à Callista, histoire de passer un moment entre amis. Son époux la tolérait dans la vie de sa femme, probablement parce qu’elle n’était que sang-mêlée, et pas née-moldue, et également parce qu’elle était utile au gouvernement auquel il était fidèle, mais il ne lui témoignait pas d’amitié directement. En revanche, elle avait une attitude e tante envers les enfants de son amie. Elle les aimait beaucoup, même si elle savait qu’ils suivraient probablement toujours les traditions familiales.

Elle fut introduite dans le salon alors que la servante partait à la recherche de Callista Travers. Eleonore, tout comme la jeune femme qui servait la famille Travers, ignorait que la mère de famille s’était absentée quelques heures, mais elles le découvriraient bien assez tôt et Eleonore devrait alors repousser sa visite. En attendant, elle observait les jardins à-travers la fenêtre, attendant le retour de la servante ou, mieux encore, l’arrivée de la belle femme qu’elle aimait encore aujourd’hui, même si elle n’en montrait rien, se contentant de rester l’amie fidèle toujours là pour elle, ce qu’elle serait pour toujours.

Alejandro se réveillait tout juste d’une bonne nuit de sommeil. Rien de tel que douze heures passées dans les bras de Morphée pour reprendre de la vitalité et de l’énergie. Le jeune homme resta de longues minutes à contempler le plafond. Ces derniers temps, il ressentait un étrange sentiment qu’il identifiait comme étant de la solitude. Alejandro avait pris un appartement après avoir quitté le manoir familial pour réaliser au calme la fin de ses études de Médicomage. Maintenant que cela était fait, lorsqu’il ne passait pas son temps enfermé dans son bureau, le sorcier brouillait du noir dans son appartement, raison pour laquelle il se rendait régulièrement chez les Travers pour passer du temps avec sa mère et sa sœur lorsqu’il arrivait à la voir. Encore songeur et le regard fixant le plafond, Alejandro repensa à ses années passées au manoir. Il y avait connu le bonheur, la tristesse de l’enfance mais aussi la jalousie. Il avait vu sa sœur et son frère grandir, sans vraiment en prendre plaisir. A présent, il s’entendait bien mieux avec sa sœur mais mépriser toujours l’existence de son frère. Lui qui lui avait volé du temps avec sa mère mais aussi le peu de temps qu’il avait avec son père. Dans ce manoir, Alejandro y avait également connu ses premières copines, elles ont été quelques unes à défiler dans sa chambre à une certaine époque. Aujourd’hui, il avait tendance à poursuivre cette pratique dans la chambre de son appartement.

Après s’être longuement étendu, Alejandro se décida enfin à se lever et se rendre présentable pour aller voir sa mère. Une douche était donc de rigueur. Il passa un certain temps sous cette dernière, laissant l’eau chaude couler tranquillement le long de sa colonne vertébrale. Après un bon moment, il se décida à couper l’eau et voulut se saisir d’une serviette pour s’enrouler dedans. Il n’y en avait aucune de disponible et Alejandro râla silencieusement contre son vieil elfe de maison, Rufus, qui commençait franchement à devenir trop vieux pour remplir complètement ses tâches. Cependant, Alejandro s’était pris de compassion pour lui, faire rare pour être noté. Il n’arrivait pas à le réprimander plus violemment qu’un simple : « pense y la prochaine fois » ou encore un « ce n’est pas grave ». Alejandro savait que les jours de Rufus étaient à présent comptés et il lui passait tout. Pour preuve, le sorcier se rendit dans sa chambre adjacente à la salle de bains, dans sa tenue d’Adam et mit de l’eau approximativement partout. Il s’habilla en vitesse d’une chemise bleue et d’un pantalon simple noir, une tenue que sa mère ne manquerait pas d’approuver, Alejandro en était persuadé. Une fois qu’il se fut saisit de sa baguette magique, le sorcier laissa un sort pour faire disparaître toute l’eau qu’il avait mis sur son passage.  

Fin près, il transplana au manoir familial et se trouva immédiatement devant ce portail qu’il ne connaissait que trop bien. Il se dirigea directement vers le salon après avoir pénétré dans l’habitacle. Alors qu’il s’attendait à trouver une belle femme blonde, Callista, il y découvrit un modèle réduit bien différent en la personne d’Eleonore qu’il connaissait depuis tant d’années. Essayant de dissimuler sa déception de ne pas trouver sa mère dans le salon, il s’adressa tout de même de façon polie à la naine.

« Bonjour Eleonore, je ne m’attendais pas à vous trouver ici. Savez-vous où se trouve ma Mère par hasard ? Ou l’attendez-vous également ? »