Vous avez dit respectable ? Acceptez au moins de dire tolérable !

Je me souviens de ce jour où, parmi le courrier matinal, je découvrais une lettre pour le moins surprenante. Ce n’était pas ce papier grossier, courant qui apparaissait dans les mains de mes fréquentations habituelles. Le grain était plus fin et il avait quelque chose de particulièrement soigné. Je chassai donc, non sans provoquer son courroux, le vieux hibou ronchon qui me livrait mon exemplaire du journal chaque matin, pour m’emparer de cette lettre. Les plis étaient parfaits. Malheureusement, dans un monde de magie, il fallait toujours s’attendre à ce que le travail ne soit pas manuel. La valeur de l’effort se perdait.
Un simple coup d’œil me permit de noter que c’était mon nom, écrit d’une plume élégante, qui figurait dessus. Une écriture féminine ? Cela y ressemblait. Pressée d’en découvrir le contenu, je me fis l’effort de rester moi même et de prendre le temps nécessaire pour l’ouvrir sans l’abîmer en aucune façon, et lire les quelques lignes avant de me figer. Le nom qui signait la lettre était celui de Lestrange ! Et c’était une invitation pour l’anniversaire des deux filles jumelles de cette famille au nom plus qu’éloquent.

Pourquoi moi ? Fut ma première question alors que l’envie de déchirer ce bout de papier qui me semblait alors semblable à une braise ! Pourquoi m’inviter alors que je n’étais, après tout, qu’une modeste sang mêlé… Enfin, modeste… Si j’utilise ce mot ce n’est pas dans ce sens où je ne suis qu’une pauvresse. Certes, des années durant, j’ai exercé en tant que simple serveuse au Trois Balais et à ce jour je ne suis que la concierge de Poudlard mais l’or familial ne se résume pas à trois galions au fond d’une bourse. Je ne suis pas à la tête d’une grosse fortune mais j’ai les moyens de mes ambitions. Ainsi m’est il possible de bien paraître et de m’assurer que nulle ne nous méprise pour disposer d’objet de troisième rang.

Toutefois cela ne résolvait pas la question. Je relu une seconde fois la lettre, la replia soigneusement  et repoussa ma décision à plus tard. Cette famille ne s’offusquerait pas que je m’accorde le temps de réfléchir à l’invitation et m’occupe d’abord d’affaire plus pressente, comme cette bouilloire qui se mettait à siffler trop fort pour me rappeler que le thé allait pouvoir être servi. Je ne pu hélas déguster  ce moment précieux qu’était le petit déjeuner aussi paisiblement qu’à l’accoutumé. Ma lecture, d’habitude attentive, du journal se fit rapide. Mon œil passait d’un article à l’autre, ne relevant que le plus essentiel. Les autres lettres qui m’étaient adressées me parurent secondèrent…

Finalement, je quittai la table alors que ma douce Amelia montrait enfin sa frimousse adorable et emportai mes lettres vers mon cabinet. Je ne manquai pas de déposer un baiser sur son front et m’excusai de devoir de la délaisser pour m’occuper de ces damnés courriers. Depuis le temps, elle savait qu’il fallait que je reçoive un courrier important pour que j’agisse si prestement. Il n’était après tout que huit heure à la pendule d’argent qui sonnait les heures dans le salon.

Trois lettres furent rédigées, à la plume d’oie et l’encre noire. L’une était adressée à une cousine au sixième degré qui m’avait fait part de la naissance de son petit fils. Nous n’étions pas des plus proches. En vérité, je ne l’avais jamais aimé mais elle était assez sotte pour prendre mes sourires et mes mots mielleux pour de l’affection. La deuxième lettre était pour un des rares amis dont je n’avais pas perdu la trace depuis mes ASPIC. A lui, j’accordai une véritable lettre, lui faisant part de quelques nouvelles, quelques allusions à ce qu’était devenu Poudlard et lui proposait une date pour venir prendre le thé, vu qu’il avait lui même levé cette possibilité. La troisième fut une réponse pour les Lestrange. J’acceptai, je n’avais pas le choix. Refuser, c’était me montrer insultante. Non parce que les sangs purs étaient préférés dans le système actuel mais parce que leur famille était dotée d’une grande réputation, d’une grande fortune. En d’autres mots : ils faisaient partie de la haute société. L’intérêt qui m’était porté, aussi modeste soit il, ne pouvait être balayé par un simple trait de plume. Ces gens m’offraient la chance, l’opportunité de paraître dans un milieu qui n’avait pas été loin de se fermer totalement à moi. C’était une possibilité de rappeler à tous que les sangs mêlés pouvaient et avaient encore de la valeur, de l’éducation et du mérite, que ma famille ne valait pas un modeste mépris.
Tels furent donc les mots de ma réponse :

« Estimé Sir Lestrange, son épouse et ses filles,

C’est avec honneur et plaisir, que j’ai pris connaissance de votre invitation à la réception donnée à l’occasion de la majorité de ces demoiselles Arya et Ayla Lestrange. Et c’est avec le même honneur, que j’ai le plaisir de vous confirmer ma présence pour cet instant.

Soyez assuré de mes sentiments respectueux,

Dannissia Blackstone »

C’était une réponse somme toute simple, mais faire plus long n’avait d’intérêt. De plus, tant parce que je connaissais le mépris que l’on pouvait avoir pour ceux qui n’était pas du même rang que parce que j’estimais plus agréable de ne pas faire perdre de temps à lire mille mots d’une inconnue, cette réponse me semblait celle à formuler. Au moins ne pourrait il me reprocher de n’avoir répondu dans les temps. Un fâcheux saurait toujours trouver à redire après tout. Il ne me resta plus qu’à cacheter la lettre, d’un sceau de cire pourpre aux armoieries familiales, une tour girouettée. Un vieil héritage d’une époque oubliée, même si parfois il m’arriva de me demander si ce n’était pas que l’orgueil d’un ancêtre qui n’aimait l’idée de n’avoir la joie de frapper ses lettres d’une décoration. Possible après tout... J’envoyai sans plus tarder ma réponse. Les autres lettres partiraient dès que possibles.
En attendant, je décidai d’une virée sur le chemin de traverse. Il n’était pas question de me présenter à la soirée sans une robe neuve, et non pas le rebus d’un bal lointain et je me devais de réfléchir à un présent convenable, en espérant qu’une telle chose ne croise ma route. J’ignorai si l’attention plairait, mais je me devais de faire cet effort.

Les bijoux, les toilettes… Pour des jeunes filles c’était un présent pour le moins éculé et dénué de signification de valeur. Du moins si choisie sans réflexion. Qu’est ce que cela leur dirait ? Soyez belles et c’est tout ?  Je préférai trouver le cadeau qui évoquerait quelque chose, qui ne serait pas ce banal objet, même de prix, que n’importe qui se permettait d’offrir. Des livres me venaient naturellement à l’esprit mais rares étaient ceux à allier utilité et originalité. Elles ne devaient d’ailleurs manquer de rien… C’était une de ces affaires complexes, qui demandait de briller de finesse sans prendre le risque d’éclipser la valeur de présents de plus grands.

Je commençais par le plus simple, en me rendant chez une couturière renommée à défaut d’être exceptionnelle et demandait une robe qui allierait les bleus avec l’argent, qui serait relevé par un soupçon de fines dentelles sur les bords de manches, qui dénuderait le dos et libérerait la poitrine sans indécence mais pas sans relever mes charmes. Il fallait au moins cela. J’ajouterai à cela un ancien foulard, brodés d’animaux magiques qui avait appartenu à ma mère et dont le bleu pastel se fonderait avec cette robe à la perfection. Un collier d’ambre parerait mon cou et des gants de soie blanche mes mains, masquant par un élégant subterfuge ma marque, forçant ainsi chacun à se montrer prudent jusqu’à ce que l’infâme vérité ne soit révélée. Ma baguette, elle serait dissimulée dans les plies de la robe, accessible mais invisible. Une petite bourse penderait à une ceinture de toile, afin d’y glisser un petit carnet bien utile lors des balles et un antidote courant -prudence est mère de toutes les vertus-.

Vint ensuite le plus ardu. Les bijoutiers n’avaient rien à m’offrir, et très vite je renonçai à perdre mon temps auprès d’eux. Les libraires n’étaient pas d’un grand secours. Les ouvrages qu’ils me proposaient n’étaient pas dignes d’intérêt. Des manuels, des traités… Rien ne me plaisait. Je m’apprêtai ainsi à repartir vaincu quand vint l’illumination : et si le meilleur cadeau n’était pas un objet mais une possibilité ? Et si je leur laissai entendre, car le proposer ouvertement pourrait les offusquer, de trouver une certaine aide auprès de moi ? L’idée pourrait paraître orgueilleuse mais personne ne saurait contester que je figurai parmi les meilleures élèves de mon année. Avec l’approche des examens, les tourments qu’elles pourraient connaître dans les années à venir et l’utilité de connaître les nombreux secrets qu’une oreille attentive et discrète sait entendre… Je pouvais me faire bien plus précieuse que toute la fortune du monde. Je rentrai ainsi chez moi et me rendit dans la bibliothèque, pour lire jusqu’au milieu de l’après midi. Quelques jours plus tard, je récupérai la robe, non sans faire rectifier chaque défaut, car le prix et les circonstances l’imposaient.

Le jour de l’invitation, je pris grand soin à ma toilette. Chaque détail comptait, du parfum discret, boisé à la fraicheur de la peau. Fin prête, je transplanai et me retrouvai non loin du domaine des Lestrange. J’avais opté pour un lieu un peu à l’écart, assez loin pour voir les premiers invités arriver. Je m’amusai à laisser à quelques sangs purs la joie d’être « les premiers devant les portes ». Puis je glissai à nouveau pour me retrouvai bien plus proche, et n’avoir que quelques pas gracieux et légers à accomplir. Je saluai lorsque c’était nécessaire, étudiant les invités. Elégance et stupidité se disputaient.
Finalement les portes s’ouvrirent et en compagnie des autres invités je fis mon entrée, prête à présenter mon invitation, pensant déjà aux mots que j’emploierai en la présence du chef de famille, pour le remercier comme il se devait, et pour faire honneur à ses filles. La première étape serait de me rapprocher sans attirer le courroux. La deuxième capter son attention. La troisième placer quelques mots et la quatrième m’éclipser pour laisser place aux autres. Mais pour cela je ne m’inquiétai pas.

Le plaisir d’une insulte
ne vaut pas le gant relevé

Les jumelles, belles et remarquables, avaient fait leur apparition. Par convenance, je m’étais jointe aux applaudissements. Je tâchais de faire preuve d’assez de vigueur pour ne pas paraître molasse et sans joie mais je ne cherchais pas à produire les plus grands applaudissements. Faire du bruit pour quelqu’un, c’était grotesque. La meilleure manière n’était elle pas de les reconnaître désormais comme de véritables sorcières ? Sans expérience, certes mais comme sorcières à part entière ? Je ne pu m’empêcher d’observer cette foule, de me demander combien n’était pas hypocrite. Je n’aimais pas particulièrement les Lestrange mais au moins je ne cherchais pas à me faire mousser auprès d’eux, à plaire plus que de raisons.

Une femme se retrouva à m’adresser la parole. Elle me connaissait et connaissait mon travail. Et elle était assez stupide pour se croire autoriser à m’insulter. Pauvre enfant, tu es bien mal avisé et bien trop jeune pour n’avoir droit à plus que ma lassitude. Maîtresse de mes traits et de mes émotions, je me tournai vers elle, nonchalente. Je voulais lui montrer ô combien son insulte ne m’évoquait aucun sentiment. Je lui adressai un sourire, le même que je pouvais réserver à une enfant qui avait fait une bêtise bien innocente. C’était un air aimable, presque amusé. Je la reconnus après quelques instants. C’était cette adorable Daphné Greengrass. Elle avait conservé sa langue de vipère.


« Mademoiselle Greengrass. C’est un plaisir que de vous revoir. Je vois que vous êtes toujours aussi superbe. »

Je n’espérais pas la moucher. Je lui offrais simplement l’apperçu de ce qu’était une phrase pour le moins insultante à qui pouvait entendre ses différents sens et sans pouvoir rien dire. Car elle était superbe dans son mépris mais aussi dans sa robe. Elle ne méritait pas que je me laisse aller à plus d’insultes. Elle avait commencé, par m’insulter et insulter nos hôtes en laissant entendre qu’ils invités du bas personnel. C’était lamentable.

« Que devenez vous ? »

Je repassai à une banalité, qui avait le mérite de me permettre de l’obliger à changer de sujet ou du moins l’y invité fortement tout en satisfaisant ma curiosité. Je l’avais peu connu, mais l’avoir connu élève était une raison suffisante pour que je m’intéresse un peu à son devenir.

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