Depuis la fenêtre de sa chambre, silencieuse comme cette statue que l'on devinait dans un recoin du jardin, oubliée, recouverte d'une mousse grise, Ayla repensait à cette conversation si désagréable avec son père, à ce silence qu'elle s'obligeait à garder, à cette soumission qu'elle s'imposait avec violence alors que tout son être brûlait de rage à l'idée d'être manipulée, de n'avoir son mot à dire sur rien de plus qu'un vulgaire morceau de tissu. Elle ne pouvait pas embêter sa jumelle avec ses états d'âme, celle ci n'avait que trop à penser avec son propre mariage.

C'était sa vie. Hier, comme en ce jour, elle n'avait d'autre choix que de se plier aux exigences, faire ce que l'on attendait d'elle, qu'elle le veuille ou non, que cela la rende heureuse ou non.

Sa main se crispa, froissant la feuille de papier entre ses doigts. Ses dents se resserrèrent. Quelques secondes, tendue, elle resta là, le regard brûlant de rage et de frustration, puis elle lécha son souffle s'échapper, formant une fine buée qui ne tarda pas à disparaître sur la vitre. Elle laissa tomber la lettre dans la corbeille, ne voyant aucune raison de la conserver. Son auteur n'en prendrait pas ombrage, il ignorerait ce qu'elle en avait fait et ne poserait pas la question de toute manière. Qui y accordait de l'importance de toute façon ?

Lentement, elle se laissa tomber sur la chaise de son bureau, suivant la courbure du secrétaire du bout des doigts jusqu'à ce que sa main n'atteigne le niveau où, dans un encrier, reposait une plume d'oie, et qu'elle ne s'en empare, griffant quelques mots sur une feuille. Elle répondait à Thaddeus, l'homme qu'elle était supposée épouser dans un avenir proche. Quelqu'un pour qui, elle avait des sentiments contradictoires. Elle ne le détestait pas, c'était déjà une bonne chose mais dire qu'elle se voyait finir ses jours avec ? Non. Autre détail, et non des moindres, Thaddeus était l'ex de sa soeur ; l'imaginer comme époux avait de quoi déranger. Au moins Arya ne lui en voulait pas et semblait avoir une certaine joie de la voir promise à lui. Au moins, ce n'était pas un monstre cruel, avide de sang.

Thaddeus,
C'est avec plaisir que je découvrais votre lettre. Commme toujours, c'est une joie que de vous lire.
Sachez que je partage votre désir de faire connaissance, avant ce jour fatidique qui nous verra condamner à nous torturer l'un l'autre, jour après jour.
Je vous retrouverai ainsi, comme proposé, à Pré-au-lard, au Trois Balais.

Bien à vous,

Ayla lestrange


Quelques mots, quelques lignes à peine pour traduire sa pensée, laissant planer une pointe d'humour en évoquant leur futur, quasiment certaine, vie commune. L'un et l'autre allait devoir se supporter, et cela, rien ne pourrait les y préparer. Elle se relut, puis, après avoir jeté une poignée de sable pour sécher l'encre, qu'elle chassa dans une petite boîte en verre prévue à cet effet, elle plia la lettre, la glissant dans une enveloppe qu'elle cacheta de cire verte et frappa d'un sceau purement esthétique : un "A.L." entourée de serpents entrelacés. Son choix ne provenait pas de sa maison, de son ancienne maison plus exactement, ou du moins que partiellement. Elle avait eu cette idée pour fermer ses lettres un beau jour et depuis elle se retenait de sourire chaque fois que quelqu'un lui affirmait qu'elle était un peu trop fière d'être une serpentard.
Une fois fait, elle nota le nom de son destinataire puis confia sa lettre à sa chouette, la laissant s'envoler librement. Puis elle traversa la maison, prévenant d'abord sa soeur de l'invitation qu'elle avait reçue, lui garantissant qu'elle transmettrait son bonjour et toutes ses pensées à Thaddeus (une taquinerie qui risquait fort de prendre des airs de ritournelle avec le temps), puis elle profita que son père était inoccupé, ou du moins n'était pas enfermé dans son bureau pour lui faire part de cette sortie, ce qui estima t elle ne dû pas lui déplaire, car c'était une preuve que la jeune fille se pliait plus ou moins.


Le jour venu, elle prit un long bain, parfuma sa peau, blanche, délicatement colorée par le soleil qui brillait depuis quelques jours sans chercher à se cacher sous des épaisseurs insondables de nuages, puis se glissa dans une robe légère, au décolleté suffisant pour forcer le regard à plonger, sans verser dans le vulgaire, fit choix d'un collier d'onyx, pierre sans grande valeur mais dont l'obscurité lui sembla adaptée, à son humeur et au sujet de la rencontre. A une petite ceinture, elle noua une pochette de cuir brun sombre, y glissant une petite bourse, et un mouchoir.
Prête, elle transplana, apparaissant dans une rue déserte du petit village, et elle s'élança vers son rendez vous, s'arrêtant une seconde devant la boutique de Gaichiffon, esquissant un sourire en reconnaissant la propriétaire. Elle aussi devait avoir encore des griefs à formuler contre le patriarche de la famille Lestrange. Puis elle reprit son chemin. Quelques minutes plus tard, elle poussait la porte du pub, et s'arrêtait à l'entrée pour laisser ses yeux s'habituer à la différence de luminosité, cherchant à voir si Thaddeus était déjà arrivé. Lorsqu'elle le remarqua, elle se dirigea vers lui. Passant obligatoirement près du comptoir, elle adressa un sourire et un mot aimable pour saluer le personnel et la propriétaire, puis elle se tint enfin devant lui.

« Bonjour, Thaddeus. Belle tenue. Tu vas bien ? »

Ne lui laissant pas le loisir de se lever, pour lui tirer la chaise en bon gentilhomme, elle s'assit et le regarda avec un sourire poli. Elle notait qu'il n'avait rien commenté, pas même un verre pour lui. Soit il était trop tendu, soit il venait d'arriver. La première option était évidemment celle qui lui semblait la plus probable.

« Encore une fois, merci de l'invitation. Changer d'air, ce n'est pas désagréable en ce moment. »

Les préparatifs, elle n'en pouvait plus. Et rien que devoir se dire qu'elle allait devoir remettre cela d'ici peu pour elle l'épuisait.

Des tulipes ? A son mariage ? Mais de quoi parlait il donc... Ayla le regarda avec une parfaite impassibilité, cachant sa surprise, son incompréhension. C'était là l'avantage à s'exercer chaque jour à ne rien laisser paraître, à ne rien la laisser l'ébranler. Elle s'amusait de son trouble, de sa nervosité. Il n'avait vraiment pas l'air d'être à son aise, dans cette situation.

« Ah la question des fleurs... C'est un sujet complexe... Les sens sont nombreux... Je ne pourrais que te conseiller de t'intéresser à leur signification, pour ne pas célébrer le deuil aulieu de l'amour, l'injure au lieu du pardon. Mais je n'ai rien contre les tulipes en soi. »

Poliment, elle n'avait pas insisté sur le fait qu'il se trompait totalement sur cette question. Elle avait noyé le poisson, au travers de ce qui était un véritable conseil. Même si l'on se moquait totalement du sujet, que la plupart des gens n'y accordaient aucune importance, certains savaient prêter attention à ses détails. Ayla en faisait partie, même si elle ne se formalisait pas de la forme, préférant s'attarder sur l'intention. Elle embraya alors sur sa première affirmation, la raison de leur présence commune à cette table.


« Il aurait bien fallu qu'à un moment ou un autre, nous décidions d'en parler. Par quoi veux tu commencer ? Tu n'as rien commandé je vois... Donc... Commençons par là peut être ? Que proposerais tu ? »

La question était vache. Lui demander de choisir leur boisson, alors qu'il ne savait rien d'elle ou presque. Evidemment il pouvait se fier sur sa connaissance d'Arya, la jumelle ne différant guère de sa soeur. Elle lui laissa le temps de la réflexion, le regardant mariner sur sa chaise avant de lui souffler avec un sourire sa réponse.

« Un boisson fraiche, pour moi. Vu la saison... Pourquoi pas une simple grenadine, ou limonade. Mais à part ce détail, par quoi veux tu commencer ? »

Elle pencha la tête sur le côté, l'observant, cherchant comment aborder les nombreux sujets possibles. Le plus simple était de commencer par des futilités, elle prit donc une question plus épineuse. Ses goûts littéraires, elle les découvrirait à la longue.

« A quoi aspires tu ? Tu as des projets ? Moi, à part mener des études, sans doute dans quelque chose qui me ménera dans les couloirs du ministère... Après tout, je doute que mon père ne me laisserait faire quelque chose de moins glorieux... Continuer le Quidditch bien sûr, peut être... »

Ayla esquissa un sourire. Utiliser Thaddeus pour vexer des gens était une idée, mais pour ce qui était des fleurs mieux valait qu'elle garde la main sur la question. Au moins, elle savait ce qu'elle faisait et elle pourrait se plaire à la plus grande subtilité. Et elle aurait l'assurance que le mauvais message n'avait pas été envoyé.

« Oh... Moi qui me faisais une joie de t'enseigner les subtilités... » . Elle lui adressa une moue emprunte d'une fausse déception, avant de la changer par un léger sourire. « Mais c'est noté ! Si y a un drame, je dirais que c'est ta faute et que je suis une créature innocente... Comme une licorne... »

Elle marqua un temps d'arrêt un peu plus long lorsqu'il lui demanda si elle aimait tant le Quidditch. Il était sérieux ou il avait la tête en l'air ? Ou alors il était perturbé par sa beauté naturelle ? Chose qu'elle comprendrait parfaitement mais qui ne justifiait en rien sa question. Ils avaient mené des matchs ensembles, sur le même terrain.

« Ce n'est pas Arya qui était dans l'équipe des Serpentard... Rassure moi... Tu connais les membres de l'équipe au moins ? Tu te souviens que tu en fais partie aussi ? »

Elle le taquinait, partant du postulat que c'était une erreur mais sa question était aussi motivée par une certaine méfiance, légère mais tout de même présente, et qu'elle gardait bien caché, derrière son amabilité : était ce bien Thaddeus ? Si oui, elle s'inquiéterait de sa mémoire. Quelque part, elle préférait s'entendre dire que c'était un imposteur, ou un problème médical que d'avoir été autant ignorer par le jeune sorcier. C'était vexant, peu importe si elle préférait ne pas attirer trop les regards sur elle d'ordinaire en ne se mettant pas au premier plan.

Elle hocha la tête lorsqu'il se leva pour aller chercher les boissons, le suivant du regard. Il était dans la lune, et lorsque la question devenait trop direct quant à son avenir, il fuyait le moment de répondre. C'était intéressant, révélateur même : il n'en avait probablement aucune idée.

« C'est ça. Non pas vraiment, j'hésite encore un peu... Possiblement du droit, ou bien dans le domaine des créatures magiques. » . Deux choix qui l'intéressait, pour des raisons différentes. L'un était parce qu'elle estimait que pour mener une carrière intéressante dans le ministère, et modeler selon son goût le pays, il était bon de maîtriser les questions juridiques, entre autres, et l'autre, parce qu'elle appréciait simplement les créatures magiques, les trouvant fascinantes par de nombreux points, même si elle n'était pas de ses fervents défenseurs. Elle était, comme toujours, simplement contre les excès et la bêtise de quelques uns. Elle entoura de ses doigts son verre, appréciant sa fraicheur, avant de le porter à ses lèvres, y prenant une infime gorgée qu'elle savoura, avant de l'écarter, avec une lenteur toute calculée, et le reposer sur la table, le tout sans jamais le quitter des yeux. Elle attendait sa réponse, et elle n'allait pas le laisser la garder dans l'ignorance. Il voulait qu'ils se connaissent mieux, il allait falloir parler un peu plus.

« Difficile de parler de soi comme ça, pas vrai ? » lui glissa t elle, pour le mettre en confiance, laissant à penser que parler de choses personelles était également peu aisé pour elle. Il était toujours plus simple de parler avec quelqu'un qui partageait des défauts, et des centres d'intérêts qu'un être parfait, trop éloigné de soi.

L'avantage premier de l'occlumencie était de pouvoir taire ses pensées, son trouble et ainsi dissimuler du mieux possible la honte, la sensation désagréable d'avoir mal interprétée les paroles, de s'être plantée dans toute la largeur. Un simple sourire mal à l'aise, un regard qui glissait des yeux du jeune homme vers le liquide qui reposait dans le verre, le temps de retrouver contenance, ne pas bafouiller une excuse malaisante. Ayla releva les yeux après une petite seconde, peu après qu'il eut fini cette phrase. Il n'avait pas dû apprécier la remarque, qui aurait aimé voir quelqu'un que l'on connaissait depuis des années doutait ? Elle avait beau n'avoir été que surprise par la question, pensant que son engouement avait toujours été assez criant, malgré sa sobriété naturelle, ses paroles avaient pu le choquer. Elle tâcha de rendre sa réponse la plus contrite possible, sans pour autant chercher à implorer sa pitié. Elle ne voulait que lui faire comprendre qu'elle était sincèrement désolée pour cette incompréhension.

« C'est vrai. Je pensai juste être un peu plus expressive que d'ordinaire sur un balai. C'est uniquement pour ça... Je sais bien que tu ne peux pas savoir que j'ai envisagé ça comme carrière. Enfin ce n'est pas une excuse pour être à côté de la plaque... Désolée ? »

Le plus simple était de mettre cette erreur sur le compte du stress, et les angoisses qui pouvaient la travailler. Entre le mariage à venir, ses fiançailles, son avenir encore incertain, elle avait bien des raisons de ne pas être tout à fait sûre d'elle même. Pour une fois, elle regretta de ne pas disposer en sus du don de sa soeur pour savoir ce qu'il en avait pensé exactement. Elle détestait ne pas être sure.

« Sans doute la même chose que toi ? Ce que tu aimerais, ce que l'on attend de toi... Qu'est ce que je fais parce que j'ai envie de le faire, ou parce que je sais que c'est ce que l'on attend de moi. »

Elle tenta de le mettre en confiance, lui laissant entendre que parler n'était pas plus simple pour elle. C'était partiellement vraie, même si elle avait sans doute plus de facilité à évoquer sa vie, ne taisant principalement que ce qui pouvait nuire à son image ou à celle de sa famille.

« Oh c'est pas mieux au sein des Lestrange. Heureusement que je ne suis pas passionnée par l'herboristerie, mon père me tuerait si je voulais ouvrir une boutique dans une ruelle misérable ! »

Elle esquissa un sourire. Rien que pour la tête déconfite de son père, elle était tentée de glisser l'idée mais elle craignait sa réaction. A trop plaisanter, on finissait par se brûler les doigts. Mieux valait jouer de prudence, et rester dans les rangs.

« Mais tu aurais le choix, tu choisirais quoi ? »

Elle même ne s'orienterait sans doute pas sur le droit, parce que la matière ne l'intéressait que de loin. Plaider une cause devant un tribunal corrompu ne la motivait pas, alors travailler dans un bureau à préparer des textes juridiques qu'elle n'approuvait pas nécessairement... C'était, à la réflexion, une bonne raison pour s'orienter sur les créatures magiques. Ce n'était certes pas le département le plus en vogue, mais le contrôle de ce monde magique n'en était pas moins important. Et au final, qu'importe par où elle passait, elle pouvait toujours obtenir plus. C'était l'avantage d'avoir plus d'une corde à son arc, ou d'un sort à sa baguette.

« Un verre ou un tonneau ? » demanda t elle innocemment, ne cherchant aucunement à dissimuler son sourire. Arya lui avait parlé de ce côté fêtard du jeune Fawley, qui faisait soupirer ses parents. L'excès n'était pas un genre très en vogue dans les grandes familles, dont les membres, quelques années auparavant s'y adonnait pourtant certainement. La jeune femme appréciait toutefois cette légereté qui réapparaissait ; c'était un terrain plus aisé sur lequel avancer. Foncer dans des murs, ce n'était bon que pour prendre le train pour Poudlard, le reste du temps, c'était à s'y casser les dents pour rien.


« C'est un choix bien limité... Moi qui pensais faire un élevage de dragons... Au minimum... » plaisanta t elle, ne sachant que trop bien que ce n'était que des exemples.  « Au moins, nous sommes d'accord sur le fait qu'il ne sert à rien de mettre l'autre dans une cage. Sauf si on veut faire de nos vies une guerre permanente. Et je ne suis pas sûr que les vieilles traditions auront raison de moi... »

Tel qu'elle venait de le prononcer, cela ne semblait pas grand chose. Tout au plus une légère pique. Mais c'était bien un avertissement. Il n'avait aucunement intérêt à chercher à la contrôler, s'il ne voulait s'en mordre les doigts. Elle ne se laisserait pas dominer toute sa vie. Ils parlèrent alors de leurs envies de carrière, et projets d'avenir, quelques mots mais qui en disait assez pour qu'Ayla comprenne, ou se souvienne, que le côté bien scolaire de l'apprentissage n'était qu'ennui pour Thaddeus.


« Je peux comprendre. Malheureusement, il est difficile d'échapper aux livres et aux professeurs soporifiques pour apprendre, ou du moins être diplômé. » elle prit quelques secondes, la tête reposant sur ses mains jointes sous le menton, les coudes reposant sur le bord de la table pour réfléchir. Il était vrai que voyager avec son père ne l'aurait guère enchanté non plus.
« Si tu pouvais le faire, et qu'il tenait à "être du voyage", propose lui de voyager dans une région pendant que tu vas dans une autre, et lorsque vous vous retrouvez, vous discutiez de vos découvertes, échangez des notes... Il serait de l'aventure, sans être sur ton dos... Personnellement, j'essaierai ça... »

Elle ne jugeait pas la pratique de la magie noire des Fawley. C'était quelque chose de dangereux, malsain, souvent associé au mal à l'état pur mais Ayla n'était pas naïve. Toute magie, utilisée avec de mauvaises pensées devenaient la pire des choses, comme elle pouvait devenir la plus magnifique dans le cas contraire. Ce n'était pas la magie le problème, mais les gens qui l'employaient. La seule chose qui pouvait l'inquiéter, au fond, c'était que, statistiquement, les mages noirs étaient souvent mauvais ou finissaient par le devenir.


« En tout cas, tant que tu ne me confonds pas avec ton rat, je te laisserai étudier ce que tu veux. Dire que je suis à l'aise avec cette... Pratique, non. Mais tant que tu fais attention à toi, je ne vais pas chercher à t'en empêcher. »

Elle laissa le silence s'installer, l'observant avec une forme de compassion qui s'était installée à mesure qu'ils échangeaient. Au final, ils n'étaient pas bien différents ; ils souffraient et supportaient tout deux le poids d'une famille, et peinaient à voir des échappatoires.

« Eh bien soit. Un tonneau pour deux. »

Elle lui adressa un sourire, et d'un regard appuyé, répondant à son défi dans les apparences car, dans les faits, elle savait déjà qu'elle ne prendrait guère plus qu'une quantité raisonnable d'alcool. Son rêve, ce n'était pas de balayer le sol de son corps, en roulant sous les tables, ni d'entreprendre le nettoyage des rues à grands renforts de haut le coeur. Elle n'y voyait et n'y trouvait aucun plaisir.

« Se faire écraser, dévorer, lacérer... Des créatures merveilleuses... A condition de ne pas les énerver. Et puis... Comme chien de garde, ce serait plutôt sympathique dans notre future demeure... »

Idée ô combien tentante que de repousser tout ceux qu'elle ne voulait voir... Un enchantement pouvait bloquer les moyens d'arrivée magique, un animal de garde pouvait se charger de ce qui passerait tout de même par les grilles, ou les murs.

« Je pense, oui. »

Evidemment, pour elle, voyager séparément ne signifiait pas que le patriarche Fawley devait voyager seul. A son âge, cela manquerait de prudence. Il n'était plus un jeune homme, et, elle ignorait tout de son état de santé, elle ne l'imaginait pas si vaillant que cela. Il y avait assez de rumeurs pour le prétendre affecté profondément par la magie noire.

« J'ai pu lire sur le sujet. Pour la pratique... C'est quelque chose que j'évite. Je n'ai pas l'intention de me consacrer à cette branche de la magie, après tout. Toutefois, je serais curieuse d'en découvrir les règles. Savoir comment cela fonctionne, les coûts et les dangers notamment... Je me dis que ce ne serait pas inutile, surtout si je dois prendre soin d'un certain sorcier un peu trop imprudent... »

Elle parlait évidemment de Thaddeus, qui, à force de jouer avec le feu, finirait bien par se brûler. On ne disait jamais de la magie noire qu'elle était innocente, dénuée de conséquences. Et elle commençait à se demander pourquoi son père avait choisi une famille qui se plongeait dans des arts aussi sombres. Qu'avait il encore derrière la tête ? Quel plan tordu avait jailli dans son esprit ? Elle détestait ne pas connaître les détails, n'être que le pantin agitait par un fil invisible. Elle soupira.

« Souhaiterais tu m'initier ? Ou es tu seulement curieux de savoir si nous avons cela en commun... »

Ayla souhaitait connaître ses intentions sur le sujet. Elle n'était rien contre la connaissance, mais elle se méfiait fortement des gens qui pouvaient vouloir l'attirer dans une direction. Sans doute était-elle trop habituée à sa famille pour penser que la manipulation n'était pas un vil serpent caché sous le tapis, prêt à mordre.